La Tétralogie du Cendrier
Si bleu, si calme-Opéra bu-Boulevard

L’auteur

« Toute l’invention consiste à faire quelque chose de rien. »

Jean Racine, Préface de Bérénice, 1670

« De la musique avant toute chose (…)
Sans rien (…) qui pèse ou qui pose »

Paul Verlaine, Art poétique, 1874

« Donner un sens plus pur aux mots de la tribu »

Stéphane Mallarmé, Le Tombeau d’Edgar Poe, 1877

Luc Cendrier - photo

Construire une “théâtrique”, écriture dramatique, à partir d’une “poétique”, écriture lyrique, ce triple patronage semble nous y inviter.
« C’est justement au moment même où le sens des mots échappe à une identification précise et bornée qu’on pénètre dans la musique, le rêve et l’infini ». Si bleu, si calme
Le théâtre ne fonctionne pas sur le discours, encore moins sur la démonstration. Par essence. Il ne vit que d’émotion. Ne commence à exister que là où elle opère. C’est la source de la “catharsis”, la purgation des passions, de nos pères grecs. Ça tombe bien, la poésie aussi, de manière certes plus fugace, voire impalpable, “insaisissable”. Mais il n’y a pas de contradiction, encore moins opposition. Tout au contraire. « C’est dans ta coupe aussi que j’avais bu l’ivresse ». Gérard de Nerval semble s’adresser à Melpomène aussi bien qu’à Terpsichore.
Qu’est-ce que l’émotion ? Ah ! L’émotion ?
C’est d’abord un choc qui nous traverse du rire aux larmes, provoque l’arrêt momentané de la réflexion au profit d’une accélération et d’une identification d’une sensation plus directe, plus touchante, plus forte, plus intense.
L’émotion est caractérisée d’abord par sa rapidité, son immédiateté. C’est comme un réflexe. On décodera plus tard.
Et puis comme dans la vie vécue, le rire masque souvent des sentiments plus graves, plus profonds de même que les situations les plus dramatiques comportent des éléments quelquefois irrésistibles qui évacuent brièvement la tension, permettant aussi de la relancer et de la porter plus loin. Molière n’a-t-il pas terminé sa carrière en présentant un personnage malade, qui a peur de mourir, crie sa peur pendant tout le spectacle. Fait hurler de rire avec ça. Et en meurt lui-même pour de vrai après la quatrième représentation.
Bien sûr l’écriture lyrique qu’elle soit poétique ou dramatique, plus complice, plus élaborée qu’une autre, demande d’abord du temps. Un grand peu quelquefois. Le temps, c’est le luxe, le grand luxe d’aujourd’hui. Eh bien au diable l’avarice et les avaricieux, soyons luxueux.
Et en route pour la vie, le rire, le désespoir, le plaisir, la vitalité, la passion, l’ivresse, “la musique, le rêve et l’infini”. En route pour le théâtre.

Luc Cendrier